Vers un nouvel imaginaire de la zone d’activité
La construction des zones d’activités s’est principalement développée sur les terres agricoles fertiles d’Ile de France. Ici, le site du Parc d’Activités des Garennes1, en 1949 et de nos jours. Il servira d’échantillon d’étude.
CERF/Synopter, Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes? Approches et leviers, 2019
La région parisienne, historiquement l’une des plus importantes zones industrielles d’Europe, se trouve face au défi de la modernisation et de la planification de son économie. La croissance au coup par coup des bâtiments industriels dans la périphérie du cœur d’agglomération a engendré des zones industrielles et artisanales de fait. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les politiques mises en œuvre par le gouvernement du Général De Gaulle ont pour objectif de moderniser l’économie française en stimulant la croissance et le développement de l’industrie. La planification de secteurs-clés tels que l’automobile devient un enjeu de développement territorial.
Le développement des plans d’aménagement des villes nouvelles en parallèle de la validation du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (SDAURP) est accompagné par la création des premières zones d’activités économiques (ZAE). La multiplication des ZAE entame un phénomène de desserrement industriel qui se poursuit encore de nos jours. La pression foncière dans la ville de Paris amène les professionnels de l’industrie à relocaliser leurs activités dans la première couronne de la région et les villes nouvelles.
La croissance du phénomène de desserrement industriel annonce déjà l’apparition d’importantes friches en agglomération parisienne. Face à l’obsolescence des territoires de production, une politique de relocalisation de l’industrie et de l’artisanat à Paris est engagée pour soutenir le développement de certaines filières (notamment l’imprimerie). Les principaux acteurs privés et publics (Europarcs, Greenpark, Silic) impliqués dans l’initiative et dans la réalisation des ZAE se retirent du marché pour consacrer leur activité à l’immobilier tertiaire. La présence croissante d’acteurs privés dans la création des ZAE provoque une diversification de leurs appellations sans pour autant modifier leur modèle.
Les enjeux de la transition écologique ainsi que les mutations socioprofessionnelles en cours sont les symptômes de la transformation à venir de l’écosystème productif du territoire francilien. Les besoins de flexibilité, d’abordabilité et de mixité amènent à considérer la transformation de la ZAE en tant qu’outil structurant du développement territorial au travers d’une échelle de conception proche du quartier. Le rôle croissant de la logistique permet à cette filière de devenir le principal programme des ZAE dans le début des années 2000. La plateforme logistique devient alors un élément constitutif du paysage péri-urbain.
La progression des zones d’activité en Île de France. 1949, 1982 et 2017, illustrant le desserement industriel.
Les zones d’activités du XXème siècle en première périphérie, plus denses que les zones du XXI ème siècle de seconde périphérie. À gauche, zone d’activité située à la Courneuve. À droite, zone d’activités située à Meaux
La création de nouvelles zones d’activités se réalise par la destruction des terres agricoles et naturelles. 2019, parc d’activité Vert Castel en extension, en périphérie de Bordeaux.
Quelles méthodes opérationnelles pour régénérer les zones d’activités ? Visite du site du PAE Garennes des Mureaux avec des élus du territoire, 2020
Alors qu’un aménageur sera souvent plus à l’aise dans une logique d’aménagement de quartiers neufs, la Direction du Développement Économique d’une collectivité a pour mission de maintenir et créer de l’emploi et choyer les entreprises, mais sans compétence d’aménagement. Or, pour régénérer une ZAE, il faut pourtant se placer à la croisée de l’aménagement et du développement économique. Il devient indispensable d’apporter dans les SEM (Société d’Économie Mixte), les EPA (Établissement Public à caractère Administratif) et les SPLA (Société Publique Locale d’Aménagement) la culture de la maîtrise d’œuvre urbaine économique, à l’image de la mission Maîtrise d’Œuvre de Développement Urbain et Économique portée par l’Établissement Public Territorial Grand-Orly Seine Bièvre.
A l’instar des outils de gestion publique et des dispositifs de politiques publiques incitatifs voire coercitifs déjà en place pour le logement existant (OPAH, NPNRU,…), il semble nécessaire de mettre en place un nouveau dispositif public pour la gestion et la transformation des zones d’activité (à l’image d’expériences de portage de foncier déjà existante telles que les OFS (Organisme Foncier Solidaire) de Haute-Savoie pour les zones d’activités ou les EPF (Établissements Publics Fonciers) facilitant l’accès à l’offre de locaux d’activité).
Au-delà des procédures spécifiques, il s’agit d’intégrer les ZAE à la gestion de la ville, pour en faire des véritables quartiers d’activités. Les collectivités et opérateurs pourraient rassembler une task force dédiée à la poursuite de ces projets de régénération des zones d’activités. Que ce soit un « manager de ZAE » ou un architecte conseil en mesure de faire appliquer un cahier de prescriptions et lancer des opérations pilotes, différents outils existants peuvent être mobilisés dans cet objectif.
Ces outils opérationnels organiseraient l’optimisation du foncier, l’action sur la parcelle privée, l’amélioration de l’espace public, et la création d’une réelle dynamique de mise en relation des entreprises et de mutualisation des services. Plus largement, ces outils développeraient un nouvel imaginaire de la zone d’activité économique. L’image omniprésente de la ZAE peu qualitative, ainsi que les échecs des précédentes stratégies de requalification par l’espace public, sont un frein à leur développement futur. Ainsi, il s’agira de distinguer comment transformer ces zones en quartiers, sans perdre leurs qualités, pour que les sites d’activité restent aussi ce lieu des possibles, bon marché, aux halles généreuses, où l’on garde encore des vues sur le ciel et le grand paysage.
- Objet de l’étude opérationnelle réalisée par AREP/Syvil/Villes et projets/Clipperton pour la communauté urbaine GPS&O
- Au cours des 30 dernières années (1989-2017) près de 15000 ha bruts de foncier supplémentaire ont été consacrés au développement des ZAE. Source : IAU, Zones et parcs d’activités économiques en île-de-france, volume 1 – situation et évolution du parc de ZAE et PAE, 2018
- Synopter, CERF, Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes ?, 2019
- IAU, Zones et parcs d’activités économiques en île-de-france, Opus Citatum
- Synopter, CERF, Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes ?, Opus Citatum
- “le logement est bien le premier consommateur d’espace (plus de 2 millions d’hectares par an), il est suivi par les activités économiques (activités et services) qui consomment environ 1,4 million d’hectares par an, puis par les réseaux de transport (800.000 hectares par an environ).” Laugier, Robert, L’étalement urbain en France, Centre de Ressources Documentaires Aménagement Logement Nature, Ministère du Développement Durable, des transports et du logement, 2012
- Source : MOS 2017, 1982, 1949 – L’institut Paris Région, comprenant les emprises au sol des activités économiques et industrielles, commerces, entrepôts logistiques, et bureaux.
- Lejoux, Patricia, La zone d’activités économiques, un modèle à bout de souffle ?, La Tribune, 2016
- Constat de l’Atelier Territoires économiques 2012 du Ministère du Développement Durable
- Synopter, CERF, Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes ?, Opus Citatum
- CEREMA, Loi zero artificialisation nette, 2021
- Il résulte de l’inscription des principes de la séquence « Éviter Réduire Compenser » dans le code de l’environnement une obligation de résultat des mesures de compensation effective pendant toute la durée des atteintes. En effet, dès 10000 m² d’emprise à construire, une évaluation environnementale peut être demandée (obligatoire à partir de 40000m²) ainsi qu’une obligation de résultat sur la séquence « Éviter Réduire Compenser ».
- Syvil, en partenariat avec BNP Paribas Real Estate, 2020
- CEREMA, Loi zero artificialisation nette, 2021
- Synopter, CERF, Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes ?, Opus Citatum
- Le parallèle peut être fait avec des stratégies existantes de densification sur le tissu pavillonnaire, telles que Bimby ou celle de Iudo ou, proposant un accompagnement pour la densification et la construction sur des parcelles privées.
- Ibid
- INSEE, Locaux mis en chantier de bâtiments non résidentiels en 2018, source : SDES, données arrêtées à fin mai 2020.
- Archigraphie 3, Une étude économique de la commande d’architecture, 2017